Fasciné par la nature, l'oeuvre de Yann Bagot repose sur un aller et retour entre des séances de travail en plein air et la réalisation d'images en atelier, inspirées par l'aventure scientifique et les phénomènes naturels. A travers ses encres et ses gravures, Yann Bagot place le spectacteur face à la grandeur de la Dame Nature : "j'ai la sensation d'être un trait d'union entre la nature et mon support."
Sur ses dessins, chaque paysage est un état de l'âme : on y ressent sa force, sa splendeur, son calme (avant la tempête) et ses tourments.
© Yann Bagot- Le livre des Transformations
Parlez-nous de votre parcours artistique...
Après un bac scientifique, je suis entré en 2003 à l'ENSAD à Paris. J'y ai suivi la section de l'Image imprimée, qui rassemble une formation en graphisme, édition et en illustration et ouvre surtout les portes des ateliers de sérigraphie et de gravure. J'ai étudié la gravure à l'Académie des Beaux Arts de Rome en échange Erasmus, puis j'ai été diplômé de l'ENSAD en 2008 en présentant des encres, des gravures et un livre d'artiste. Dans la continuité de ce projet fondateur, mon travail repose sur un aller et retour entre des séances de travail en plein air, au cœur des éléments naturels, et la conception d'images en atelier, inspirées par l'aventure scientifique et les phénomènes naturels. J'expose et publie régulièrement mes travaux personnels, mais explore également d'autres possibilités du dessin au sein du collectif dont je fais partie, Ensaders.
© Yann Bagot
D’où vient votre passion pour la nature et l’envie de la peindre ?
Beaucoup de choses sont inexplicables. Je ne m'explique pas pourquoi j'aime dessiner, c'est ainsi. J'ai toujours aimé représenter ce qui m'intéresse, ce qui m'entoure, ce qui me constitue. J'éprouve une fascination intense pour les mystères du monde naturel, lorsque je les représente, seul dans le paysage ou à ma table d'atelier, j'ai la sensation d'être un trait d'union entre la nature et mon support.
© Yann Bagot-Chaos
Comment se déroule votre processus créatif ?
Mon travail est constitué de nombreuses séries différentes, identifiées, réalisées sur des temps brefs, intenses. Chaque série est rassemblée par une technique, un format, un lieu de création, une intention particulière. J'aime basculer d'une écriture à une autre, dessiner des finesses en petit format puis travailler à l'encre imprévisible en plein air en grand format. Je cherche à trouver les solutions plastiques qui épousent le contexte dans lequel je me trouve; les créations visuelles que je fais apparaitre sont à l'image de mes lieux de créations, même lorsqu'elles ne les représentent pas.
© Yann Bagot-Marenostrum
Vous travaillez avec le dessin, l’encre, la gravure et le livre d’artiste... Avez-vous une préférence? Qu’est-ce que vous aimez dans ces supports et outils ?
Toutes ces pratiques sont complémentaires, les expériences se croisent et se répondent. La gravure a éveillé mon œil à la précision des signes, aux territoires de l'encre, au pouvoir décisif du papier. Ces dernières années, je me consacre davantage au dessin à l'encre de Chine, à la création d'œuvres originales. J'imagine des dispositifs expérimentaux autour de l'encre, de l'eau et du papier, les possibilités sont immenses. En interrogeant les états de l'encre, je retrouve mon enthousiasme de graveur. Enfin, la création de livres d'artistes me permet de donner forme à mes rêves éditoriaux et de tisser mes pratiques, dans des pièces uniques ou en tirages limités, par l'impression numérique, la sérigraphie et la gravure.
© Yann Bagot-Arcanes
Qu’est-ce qui vous a inspiré votre série "Arcanes" ?
La série Arcanes fait suite à L'Arche, un dessin réalisé pour illustrer un texte de Victor Hugo, Sub Umbra, extrait des Travailleurs de la mer, que j'ai publié en 2013 aux éditions POING. Les Arcanes sont des vues de paysages ancestraux. Les astres et les parois de cavernes initiales résonnent entre elles, à la lumière des premières nuits. On scrute l'ombre, en corps à corps avec la roche.
© Yann Bagot-Cancales Septembre 2012
Parlez-nous de votre collectif Ensaders. Comment s’est passée la rencontre? Quels projets avez-vous co-fondés ? Qu’est-ce que cela vous a-t-il apporté ?
Le collectif Ensaders est un collectif au sein duquel je dessine avec Kevin Lucbert et Nathanaël Mikles. Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans à l'ENSAD, nous avons commencé à travailler sur des projets collectifs en dessinant ensemble sur les mêmes supports, et puis nous avons continué… Chacun de nous trois poursuivons activement cette activité parallèlement à nos projets personnels. Sur la même feuille, nous dessinons simultanément et mélangeons nos traits, en atelier ou lors de performances de dessin improvisé en public. Nous réunissons nos univers et nous amusons à créer des dessins où citations, thèmes sacrés et profanes se réunissent et se confrontent pour révéler un univers décalé et inquiétant, souvent miroir ou écho de l’actualité. Nous créons des œuvres originales, des éditions, des illustrations, des vidéos d'animation, des dispositifs de création collective, et menons de nombreux ateliers pédagogiques où nous partageons nos expériences.
© Yann Bagot-Tellurismes
Quels artistes vous ont-ils inspiré ?
Les artistes qui m'ont inspirés sont majoritairement des dessinateurs prolifiques, à la gourmandise plastique communicative, portée par un désir continuel d'expérimentations. Les croquis de Bretagne, les représentations de la faune et de la flore littorale du dessinateur Mathurin Méheut ont beaucoup marqué mon enfance. Le dessinateur Alberto Breccia, maître de la bande dessinée argentine, m'a fasciné par ses audaces plastiques, par son dessin au réalisme habité par l'abstraction au delà des styles et des étiquettes. J'ai consacré à son œuvre mon mémoire d'études : Mort Cinder, le Cabinet du temps. Les créations de José Muñoz et de Lorenzo Mattoti me font rêver. L'intensité visionnaire des encres de Victor Hugo ne cessent de m'impressionner.
© Yann Bagot-Incidences
Pourquoi jouer majoritairement avec le noir et le blanc?
En noir et blanc, je perçois des nuances qui m'échappent en couleur. Les lumières m'y apparaissent plus distinctement, en dans cette gamme de tons je continue de découvrir des mondes qui me donnent envie d'avancer dans ce territoire, en phase avec mes sujets : les forces naturelles, les minéraux, les astres, la nuit… Le mot "noir" abrite une infinité de profondeurs. Mais je ne délaisse pas pour autant la couleur. Je l'emploie pour son énergie et sa vitalité; au sein du collectif Ensaders, nous créons un univers très coloré, jubilatoire. J'ai récemment voyagé au Brésil au cœur du Carnaval de Rio, j'en ai ramené des carnets de croquis dans lesquels la couleur s'est imposée naturellement.
© Yann Bagot-L'agonie du Myogin Sho
En extérieur, vous vous inspirez des forces naturelles qui vous entourent, pourquoi ce choix ?
Depuis mon enfance je cherche à rentrer en contact intensément avec les éléments naturels. Je dessine par tous les temps, en toute saison, en extérieur. La pluie, la marée, la lumière solaire, la chaleur, le froid, la nuit portent leur empreinte sur mes encres et sont les acteurs de mes dessins. Je cherche à employer les phénomènes naturels au cœur desquels je prends place, à exalter la singularité de chaque instant et de chaque lieu.
© Yann Bagot-Eruptions
Y a-t-il une collaboration qui vous a marquée ? Parlez-nous de ce cette rencontre et du travail que vous avez effectué ensemble...
La collaboration à laquelle je tiens le plus est celle qui me lie à Kevin Lucbert et Nat Mikles, au sein du collectif Ensaders, ce sont deux dessinateurs que j'admire et qui sont mes amis. En dessinant avec eux, je continue d'apprendre beaucoup, l'énergie collective qui nous unit est très complémentaire de l'énergie qui nous permet de mener nos projets personnels.
Une autre collaboration compte beaucoup pour moi. Depuis deux ans, je contribue au magazine en ligne Citizen Jazz; je dessine les musiciens de jazz au cours de concerts, et publie ainsi des reportages dessinés de concerts de jazz. Cette musique me passionne depuis toujours et je dessine les musiciens de jazz depuis plusieurs années, c'est un monde d'invention, d'expérimentation et de partage pour lequel je ressens beaucoup d'admiration.
© Yann Bagot-L'arche
Avez-vous des projets en cours ou à venir dont vous souhaiteriez nous parler ?
Au sein du collectif Ensaders, nous avons proposé ENCREZ LIBRES, une installation participative qui est actuellement dans la grande halle duPparc de la Villette, à Paris, jusqu'à mi septembre. C'est une fresque participative de 20 m de long, sur laquelle tous les publics sont invités à participer en accès libre à l'aide des tampons que nous avons créés, en vue de représenter la ville de futur idéale.
Personnellement, je viens de publier un recueil de dessins, Mutis Liber, aux éditions Solo Ma Non Troppo, et prépare plusieurs publications et expositions qui verront le jour à la rentrée.
© Yann Bagot- Mer Nuit
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